Une équipe internationale de chercheurs avec la participation du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM) a développé la simulation de l’Univers la plus réaliste jamais réalisée à ce jour. La création, baptisée Uchuu (qui signifie “Univers” en japonais) a été possible grâce à ATERUI II (Japon), le supercalculateur le plus puissant au monde, construit par l’Observatoire astronomique national du Japon (NAOJ, pour son sigle en anglais) pour faciliter la compréhension des différents phénomènes astrophysiques d’un point de vue théorique. Cet Univers virtuel est en accès libre sur internet.
« La simulation Uchuu nous permettra d’étudier l’évolution de l’Univers avec un niveau de détail et un volume d’information sans précédant. Elle arrive à point pour analyser les données qui nous arrive des télescopes de dernière génération », souligne Eric Jullo, chercheur au LAM. En outre, d’autres groupes de recherche du Japon, d’Espagne, des États-Unis, d’Argentine, d’Australie, du Chili et d’Italie participent également au projet.
De la structure de l’Univers aux galaxies
Cette simulation contient 2 097 152 000 000 (2 100 milliards) de particules de matière dans un cube de 9,630 millions d’années-lumière de côté. En gros, la dimension d’Uchuu est comparable à la moitié de la distance entre la Terre et les galaxies les plus éloignées observées. Sylvain de la Torre, chercheur au LAM qui utilise Uchuu pour étudier la structure à grande échelle de l’Univers commente : « Aucune autre simulation n’est capable de montrer un tel volume d’Univers tout en conservant une si haute résolution. Normalement, nous devons choisir entre un grand volume avec une faible résolution ou l’inverse ». Athanasia Gkogkou, en charge de calculer les résultats attendus avec l’instrument CONCERTO, d’ajouter : « la combinaison de ces deux aspects nous a permis de simuler des galaxies dans un très large intervalle de masse sur de très grandes régions du ciel, révélant ainsi la grande diversité des observations auxquelles il faudra s’attendre avec CONCERTO. Cette simulation a permis une avancée sans précédent dans le domaine des observations radio sub-millimétriques ».
Une autre des caractéristiques de cette création virtuelle est sa capacité à simuler l’évolution de la matière tout au long de la quasi-totalité de l’âge de l’Univers, soit 13,8 milliards d’années, environ trois fois l’âge de la Terre.
Un catalogue gigantesque en accès libre dans le cloud
Pour produire Uchuu, les chercheurs ont utilisé tous les processeurs disponibles du supercalculateur ATERUI II pendant une année entière, soit 40 200 processeurs travaillant 48 heures par mois pour faire de ce projet une réalité. Tomoaki Ishiyama, professeur agrégé à l’Université de Chiba (Japon), était chargé de développer et d’exécuter le code qui allait créer cette simulation. « Le résultat c’est 3 pétaoctets de données, l’équivalent de près d’un million de photos à partir d’un téléphone mobile de 12 mégapixels », prévient Ishiyama.
Stocker une telle quantité d’information et la compresser dans un format compatible avec le cloud n’est pas une tâche facile. Les développeurs espagnols ont pensé à cela aussi, et grâce à des techniques de calcul hautes performances, ils ont réussi à compresser les informations sur la formation et l’évolution des halos de matière noire dans un catalogue de “seulement” 100 téraoctets – mis à disposition dans le cloud. Au LAM, l’équipe du LAM prépare la prochaine version du catalogue, qui incluera des galaxies et des cartes de lentilles gravitationnelles.
Les produits générés à partir de cet Univers virtuel seront essentiels pour mieux comprendre les cartes tridimensionelles de galaxies qui seront obtenues avec les telescopes au sol des projets DESI et PFS et la mission spatiale Euclid de l’Agence spatiale européenne (ESA), dans lesquelles le LAM est fortement impliqué.
L’accès à la simulation se fait à cette adresse.